Rencontre avec Marie Van Haecke, passionnée de mode (éthique) et d’Asie ! TrendEthics

Marie van Haecke, fondatrice de TrendEthics

Marie, c’est une véritable boule d’énergie rencontrée sur les bancs de l’école, fin 2014. La trentaine passée, nous reprenions toutes les deux nos études pour nous spécialiser en marketing digital. Créative et passionnée, Marie carbure aux idées, enchaîne un projet après l’autre, avec toujours la même volonté : concilier sa passion pour la mode et les voyages tout en ayant un impact positif sur le monde.

Ainsi est née TrendEthics, une association qui propose des produits de décoration éthiques. Et ça, bien avant que Marie ne mette du bio dans son assiette ! Je ne le dirai donc jamais assez : à chacun son engagement écologique. A chacun de trouver l’axe qui le fait triper et qui l’amène à améliorer le monde et sa vie. Le reste suit ! 😊

Dans cette interview, Marie nous raconte son parcours, ses doutes et comment elle s’est progressivement révélée au travers de TrendEthics. Elle nous explique aussi comment, au fur et à mesure, son engagement professionnel a aussi eu un impact sur son mode de vie.  

Hello Marie ! Entrepreneure dans l’âme, peux-tu nous raconter ton histoire – celle qui t’a conduite à créer TrendEthics ?

Yes ! Alors, tout d’abord, TrendEthics est une association qui soutient les minorités ethnique en Asie du Sud-Est. On accompagne principalement la création et le développement de coopératives de tissage. Concrètement, on cherche un partenaire local, cela peut-être via une ONG ou un particulier, on structure toute la chaîne de production en partant si possible du coton avec de la teinture naturelle puis on commande des tissus servant à la réalisation de coussins éthiques et solidaires.

Mais avant d’en arriver là…

En 2008, je suis partie 3 semaines en Inde – je n’avais encore jamais voyagé ! J’ai été époustouflée par la culture et les paysages de ce pays mais aussi par toutes ces couleurs qu’on voit partout : épices, poudres, monuments et tissus. Je suis rentrée de ce voyage en me disant que je ne pouvais plus bosser dans le design de produits, à concevoir des packaging de pots de yaourt ou de poudre en chocolat.

Je suis passionnée de mode depuis longtemps, et plus particulièrement de tissus et de couture. Ce voyage a été pour moi révélateur. Je me suis dit : je veux un travail qui allie voyages, tissus et humanitaire. Et après ce que j’avais vu en Inde, la pauvreté, les conditions de vie de la population, et notamment celle des femmes, je voulais aussi un job qui soit porteur de sens et qui ait un impact positif sur le monde.

Bon, évidemment, il ne suffit pas d’avoir un déclic pour que tout se déroule comme on le souhaite. Il a fallu que j’attende de repartir en Asie, pour y voir un peu plus clair. En 2012, je me suis donc envolée pour le Cambodge pour travailler dans un atelier de soie. C’était magnifique ! Et pour une fan de tissus, j’ai été conquise.

Marie Van Haecke, fondatrice de TrendEthics

En revanche, tout était artisanal, y compris dans les techniques de commercialisation de ces tissus. C’est simple, il y avait tout à construire. Ce qui peut aussi expliquer la situation précaire dans laquelle se trouve souvent ces ateliers et ses artisans.

D’où mon 2ème déclic : celui de vouloir mettre mes compétences en marketing digital et en business development au service des associations. Objectif : qu’elles puissent développer localement et de manière pérenne des petits business d’atelier de tissage.

C’est ainsi qu’est née TrendEthics. L’association a donc pour objectif de :

  • Créer un réseau de coopératives de tisserands dans toute l’Asie du Sud-Est,
  • Soutenir le développement économique de minorités ethniques,
  • Favoriser l’empowerment des femmes et financer des projets autour de l’éducation et l’environnement.

… Tout ça en parallèle d’un emploi à plein temps ?

Tisserande asiatique Trendethics
Pelote de laine TrendEthics
Coussins TrendEthics

Oui, il faut bien pouvoir payer ses factures…

Mais en 2016, j’étais vraiment éreintée, au bout du rouleau. Sur un coup de tête, je suis donc repartie en Asie pour accomplir un rêve de toujours : voyager plus de 6 mois. Pour rassurer mes parents et mes amis, je leur ai dit que c’était pour avancer sur TrendEthics. Au fond de moi, c’était surtout pour me ressourcer et reprendre pied, je crois que j’étais en plein burn out. Partie avec à peine 3 sous dans la poche, je me suis convertie en digital nomad pour financer mon séjour (en gros, j’ai réalisé quelques missions de marketing digital à distance – merci le wifi !). Et hop, me voilà avec mon ordi, un sac à dos et une moto sur place pour aller à la rencontre de minorités ethniques… et, accessoirement, de moi-même. 😊

Si j’étais un peu dans le flou concernant TrendEthics au moment de partir, au fur et à mesure de mon périple et des rencontres faites sur place, j’ai eu envie de créer mes propres tissus et design. Sauf que… je suis repartie bredouille, confrontée à la réalité locale : difficile de faire ce qu’on veut dans les villages de tisserands au cœur du Vietnam.

A la place, j’ai donc acheté des mètres de tissus variés déjà tissés et je suis rentrée en France.

En parallèle d’un nouveau job, j’ai commencé à créer des coussins de décoration en collaboration avec un atelier de réinsertion parisien.

En octobre 2018, je rencontre Lucie Tailhades, celle qui va vite devenir ma future partenaire. Ingénieure généraliste et diplômée d’un master en ingénierie environnementale, Lucie avait passé quatre mois au Vietnam pour enseigner l’anglais à des étudiants issus de minorités ethniques.

Et là, nouveau déclic !

C’est-à-dire ?

Grâce à Lucie, et à la complémentarité de nos parcours, on a repositionné TrendEthics pour aller encore plus loin dans notre engagement socio-environnemental.

Aujourd’hui, nos modes de vie, par sa consommation excessive de l’ensemble des ressources de la planète, ont un impact majeur sur le climat et la biodiversité. L’industrie du textile est d’ailleurs l’une des plus polluantes. Et les populations les plus vulnérables sont les premières touchées par ces bouleversements environnementaux car elles n’ont pas les moyens de s’adapter.

TrendEthics : business model tissage circulaire

Tous les tissus avec lesquels nous travaillons sont créés intégralement par nos 7 communautés ethniques (elles seront bientôt 10). On a noué plusieurs partenariats, notamment avec Entrepreneurs du Monde, une ONG qui fait de la microfinance. Ayant des relais locaux, cette ONG nous aide à découvrir de nouveaux tisserands sur place. On a également mis au point un catalogue de teintures naturelles et surtout, on a restructuré toute la chaîne de production dans les villages. Par exemple, les femmes peuvent travailler de chez elles ; elles ne sont plus obligées de quitter leur village et de s’installer en ville. Leur savoir-faire du tissage, ancestral, est ainsi préservé.

Nous développons aussi avec des partenaires locaux des programmes de formation. En effet, de nombreux jeunes issus de minorités ethniques sont obligés de quitter leur village pour trouver du travail dans les grandes villes, ils sont alors très seuls et exercent souvent des activités précaires (usines, construction…). En formant des artisans locaux d’un point de vue technique et organisationnel, notre objectif est donc de favoriser leur capacité d’autogestion. Ils pourront ainsi vivre de leurs savoir-faire, sortir de la précarité et financer, plus sereinement, l’éducation de leurs enfants.

Je terminerai juste en disant à quel point ces minorités ethniques nous inspirent, Lucie et moi, par leur mode de vie responsable et autosuffisant. Est-ce que tu sais que les minorités représentent 5% de la population et préservent 80% de la biodiversité qui demeure aujourd’hui ? Je travaille dans l’univers de la mode et de la décoration – j’adore ça ! – mais je suis viscéralement choquée par l’impact environnemental de cette industrie, notamment celle de la fast fashion. La catastrophe écologique qui se prépare nous oblige à revoir notre rapport à l’environnement.  Elle nous invite aussi à questionner nos besoins et nos envies, à privilégier les choses qui durent dans le temps et qui sont produites dans le respect des hommes et de l’environnement.

Quelles sont les prochaines étapes pour TrendEthics ?

Maintenant que notre chaîne de production est en mesure de s’adapter aux goûts occidentaux, on a pour ambition de développer notre offre pour une clientèle professionnelle, notamment les hôtels et les restaurants. Mais surtout, nous aimerions créer des collections en partenariat avec des marques plus connues.

Comment concilies-tu ta passion pour la mode avec un mode de consommation raisonné ?

Coopérative de tissage Trendethics en Asie

Forcément, j’achète moins de fringues qu’avant. Mais surtout, j’achète mieux. Je privilégie les marques engagées, celles qui œuvrent pour un travail effectué et rémunéré de manière décente, dans la durée, avec des matériaux issus d’une culture respectueuse de l’environnement.

Etant moi-même entrepreneure, j’adore les « marques de start up ». J’achète de plus en plus sur Ulule en participant à des campagnes de crowdfunding (financement participatif). Ça me donne accès à de nouveaux produits, surtout cosmétiques et alimentaires. C’est aussi une manière de soutenir d’autres porteurs de projets engagés.

Mais je suis loin d’être parfaite : il m’arrive encore d’acheter des basiques dans les grandes enseignes !

Et je me suis mise sérieusement à chiner  sur Vinted ou je trouve des pépites !

Quels sont tes conseils pour celles et ceux qui veulent avoir un plus grand impact au quotidien ?

Pour moi, il s’agit surtout d’y aller progressivement. Il s’est avéré que mon premier engagement, le plus fort et le plus déterminant, se situe dans ma vie professionnelle, via TrendEthics.

Maintenant, au quotidien, je me réorganise aussi. L’idée n’est pas de jeter à la poubelle tout ce qui n’est pas écologique mais de transiter au fur et à mesure vers des produits qui le sont davantage. Je refais par exemple progressivement mon stock de produits de beauté.

Je teste aussi beaucoup et concilie avec ce qui me plaît. Je ne me sens pas obligée d’aimer et d’adopter une marque sous prétexte qu’elle est écologique. Si je n’aime pas, j’essaie d’en trouver d’autres qui me conviennent davantage.

Act for Impact - TrendEthics

Je commence à acheter en vrac, de plus en plus à la découpe et favorise, dans la mesure du possible, les petits producteurs.

Petit à petit, je m’aperçois que ma routine change et ce qui pouvait autrefois me sembler difficile et pénible l’est moins. Ça fait plaisir ! Un pas à la fois !

Après Noël, on enchaîne cette semaine avec la Saint Valentin. Un commentaire ?

Ça m’agace qu’on se sente obliger de faire des cadeaux tout le temps à tout le monde. Stop à cette orgie consumériste ! Essayons de voir la relation à l’autre autrement. Et quand on a envie, ou qu’on doit en faire, choisissons des marques engagées.

Ah oui… et stop Amazon ! 😉

Ce qu’il faut retenir de l’interview de Marie…

Marie Van Haecke
  1. Il faut du temps pour mûrir un projet engagé, quel qu’il soit. Pour affronter ses doutes, le regard de ses proches.
  2. Se connaître soi est essentiel pour avancer de manière sereine et durable.
  3. Entamer et réussir sa transition écologique se fait progressivement. Il faut commencer par ce qui fait sens pour soi.

Merci Marie !

Ou trouver les indémodables coussins éthiques et solidaires de TrendEthics ?

Sur son site internet, dans la rubrique eBoutique… ou chez Marie dans le 17e à Paris !

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